La Courneuve – 7 février 2010
Elle est femme de ménage dans les TGV… C’est vous dire si elle voyage… Elle est arrivée en France à l’âge de 18 ans, et depuis, elle occupe le même poste, dans la même entreprise. Elle a 59 ans. A plusieurs reprises, ses patrons lui ont proposé un poste de chef d’équipe. Elle a refusé. Pas d’accord avec la logique de productivité.
Je la rencontre à la suite d’un accident de travail. Un méchant traumatisme du genou qui nous aurait sans doute – vous et moi- coupé l’envie de travailler pour l’éternité… mais elle… a repris le travail après seulement trois mois d’arrêt.
Son patron lui a proposé un poste aménagé pour finir sa carrière: abandonner le ménage les wagons pour le nettoyage des bureaux. Elle a refusé.
Elle dit les cadences, et les beuglements de la chef d’équipe. Elle dit: un quart-d’heure par rame (11 wagons). Elle dit l’armée de fourmis, chacun son poste. Et puis l’entraide entre collègues quand le genou fléchit, quand le moral aussi. Alliances solidaires.
Elle dit que pour le nettoyage des bureaux, ils ont embauché une petite il y a trois ans. Elle est seule avec deux gamins. Elle dit que dans les wagons elle ne tiendrait pas: trop fragile, et puis les beuglements de la chef d’équipe.
Elle dit que c’est pour ça qu’elle refuse l’aménagement de poste.
Je la regarde. Je sais que je ne peux rien pour elle, et surtout pas lui souffler comme cela arrive parfois l’éventualité d’un nouvel arrêt de travail ou la négociation d’un licenciement pour inaptitude médicale, année de répit-chômage avant la retraite.
Je la regarde. Et je me dis qu’elle a vraiment la classe … ouvrière.