Dugny – 6 octobre 2010
Je l’ai rencontrée pour la première fois en janvier 2010. En théorie, elle n’a aucun problèmes financiers, elle occupe un poste important dans un grande banque française. Mais… les coups de béliers successifs de la vie ont un jour brisé tous ses étais, ouvert la brêche de la dépression profonde… glissement progressif vers un retrait du monde. Morte à elle-même, ne plus souffrir.
Lorsque je la rencontre, elle ne règle plus ses factures depuis plusieurs années. Elle n’ouvre plus ses courriers, et ne fait plus valoir ses droits aux indemnités journalières de la Sécurité Sociale… Elle est convoquée dans un mois au Tribunal pour sa dette de loyer.
Lent travail à petit pas pour l’empêcher de souffrir davantage, pour éviter les coups de bélier inutiles.
Solliciter les dispositifs qui tout en la protégeant rassurent aussi les créanciers: dossier de surendettement, protection des majeurs vulnérables (tutelle), demande de plan d’apurement au Tribunal.
Et ça marche: le juge, propose un renvoi du dossier en novembre 2010, le bailleur est d’accord. Et Madame reprend le paiement du loyer, et rembourse chaque mois une petite partie de la dette. Nous pouvons souffller, et Madame recommence à espérer…
Et puis… le 1er octobre, le Préfet a prononcé l’expulsion, sans passage en commission de concertation (ce qui est en théorie l’usage), sans en avertir le Maire (qui en vertu de ses pouvoirs de Police devrait l’être)…
Violence de la décision, et des conditions d’expulsion de cette femme de 59 ans aujourd’hui sdf: « Vous n’avez qu’à appeler le 115 » lui dit l’huissier
Les béliers sont devenus chacals…
Aujourd »hui je pense à nous – assistantes sociales – à nos outils, nos armes, nos plans d’aide bâtis sur mesure, à notre engagement professionnel… à nos heures passées à pisser dans des violoncelles…